lundi 28 novembre 2011

Séjour en Nouvelle-France...

Siméon est enfin arrivé en Nouvelle-France…

Afin de bien comprendre la suite des aventures de Siméon, il est important de brosser un bref portrait de la situation en Nouvelle-France en 1665.

Dans le but d’alléger le texte, les documents sources n’y sont identifiés que par la première lettre du nom de l’auteur, alors que la référence complète est donnée à la fin de la chronique.


la Nouvelle-France et le commerce des fourrures…

À cette époque, la Nouvellle-France était une colonie de la France et la raison d’être principale d’une colonie était d’approvisionner en biens la capitale, en l’occurrence la France,. De plus, la colonie se devait également d’être une source de profits, notamment par la pêche mais surtout par les fourrures. Qui dit fourrure, dit bien sûr le castor.

En fait, l’existence même de la Nouvelle-France était donc motivée en grande partie par le commerce de la fourrure.

Toutes les fourrures devaient cependant transiter par Québec avant de se retrouver sur les marchés d’Europe. Dès 1603, Champlain avait conclu une alliance avec les Etchemins, les Algonquins et les Montagnais lesquels sont en guerre continue avec les Iroquois (M). Cette alliance ouvrit donc toutes grandes les portes de la région des Grands Lacs, de la vallée du Saint-Laurent et de celle de la rivière des Outaouais comme source d’approvisionnement en fourrures.

Par la suite, en juillet 1609, Champlain a renforci cette alliance à laquelle s’étaient depuis joints les Hurons, en remontant la rivière des Iroquois (l’actuelle rivière  Richelieu) et en attaquant une bande de 200 Iroquois à l’extrémité Sud du lac Champlain. « Les deux armées se font face : d’un côté environ 200 Iroquois dirigés par trois de leurs chefs, de l’autre la soixantaine d’alliés parmi lesquels se dissimule Champlain. Après quelques minutes de combat, les rangs alliés s’entr’ouvrent, Champlain tire de l’arquebuse. Plus tard, les deux autres Français cachés dans les bois l’imitent. La victoire est acquise » (L1). (Illustration de Champlain)

Un détail important à retenir, détail qui aura une grande importance plus tard : en septembre de la même année, Henri Hudson, dont l’expédition était financée par les marchands hollandais, explore la rivière à laquelle il a d’ailleurs donné son nom. Une importante voie de communication est donc reconnue par les Français et les Hollandais et les Anglais : l’axe Hudson-Richelieu.

Cette expansion du commerce de la fourrure au profit des Français avait en fait écarté les Iroquois des profits de la traite. Ceux-ci réagirent en se liguant avec les trafiquants hollandais installés à Fort Orange (aujourd’hui Albany dans l’État de New York).

« Les Iroquois usèrent rapidement de représailles. À la fin des années 1640, après avoir en fait fermé à toute communication les cours d'eau qui permettaient aux trafiquants français de transiger avec leurs alliés amérindiens de l'Ouest (pays d'en haut), ils réussirent à supprimer les Hurons. Puis, dans une véritable vague de terreur qui dura jusqu'au milieu des années 1660, les Iroquois dirigèrent leur fureur contre les Français, pour tenter de les arracher à leurs établissements le long du Saint-Laurent » (P).

Ce régime de terreur, a fait en sorte que de nombreux « colons » envisagèrent tout simplement de retourner en France, ce que plusieurs firent d’ailleurs. Il fut même question d’un abandon complet de la colonie. C’est devant cette éventualité que Colbert, le ministre de la Marine de qui dépendait la Nouvelle-France, a décidé de former un régiment (Carignan-Salières) dont le rôle est « d’amener ces Indiens à la paix en les humiliant » (L1).


la ville de Québec en 1665…

Fouilles au Fort Saint-Louis 2008
L’arrivée des 20 compagnies du régiment Carignan-Salière, dont le nombre de soldats est évalué à entre 1 050 et 1100 (L2) auxquels il faut ajouter entre 150 et 200 des quatre compagnies du Sieur de Tracy ont fait de Québec une ville fortement surpeuplée. En effet, selon les données du recensement de 1667, la ville de Québec et de ses environs (Île d’Orléans, la Côte de Beaupré, la Côte du Sud(Lauzon)) comptait 2 585 personnes (C). En 1665, on en comptait sûrement un peu moins. Disons que la présence de tous ces militaires ne passait pas tout à fait inaperçue. Ainsi, au cours du mois d’août 1665, Tracy a émis une ordonnance aux habitants afin qu’ils fournissent aux soldats qui seront en garnison 800 cordes de bois (L2).


les préparatifs…

Mon hypothèse de travail demeure toujours la même à savoir que la mention de la présence en un endroit donné de l’officier commandant une compagnie sous-entend également la présence de la dite compagnie au même endroit et au même moment.

Au cours de l’automne 1665, Tracy s’occupe aussitôt de la répression des Iroquois en fortifiant  les points stratégiques le long de la rivière des Iroquois entre son embouchure et le lac Champlain, à savoir, les forts Saurel, Saint-Louis de Chambly, Sainte-Thérèse et Saint-Jean (L1).

Voir annexe 2 pour transcription
En octobre 1665, le Sieur Berthier se trouve toujours à Québec, donc Siméon s’y trouve aussi. En effet, c’est  le 8 de ce mois qu’il a abandonné « l’hérésie de Calvin » de façon solennelle devant l’évêque de Pétrée (Mgr Laval) (voir annexe 1). Le Sieur de Berthier était huguenot et Mgr Laval a toujours été vigoureusement opposé à la venue et à la présence de huguenots en Nouvelle-France. Le Sieur de Berthier ira même jusqu’à changer son prénom, de Isaac, un prénom typique huguenot, à Alexandre. Les huguenots avaient l’habitude de préférer des prénoms dits bibliques.

En conséquence, il est donc tout à fait logique de croire que Siméon se soit retrouvé en garnison à Québec, au Fort Saint-Louis, tel que le mentionne d’ailleurs Langlois (2004).

Nonobstant la construction au cours de l’automne 1665 de quelques forts le long de la rivière Richelieu, deux expéditions punitives sont organisées contre les tribus iroquoises  dans  la région de la  rivière Hudson, dans ce qui deviendra éventuellement l’État de New York.


 la seconde expédition

C’est en janvier 1666, en plein hiver, que la première de ces expéditions se met en branle sous les ordres de Courcelle et finit par rebrousser chemin près de Shenectady, un établissement hollandais situé dans l’actuel État de New York, (L1). Mal organisée et sans l’assistance promise des Algonquins pour les guider, l’expédition a failli tourner à la catastrophe. Quoiqu’il en soit, à la fin de mars, « la plus part des foldats qu'on croyait perdus reuiennent tous les iours.» (J).

Au début du mois de mai 1666, la compagnie du Sieur Berthier, et donc Siméon, est toujours à Québec, puisque le gouverneur Courcelle et le Sieur Alexandre Berthier sont  tous deux confirmés à l’église Notre-Dame de Québec.

Une seconde expédition, sous les commandements de Tracy et de Courcelle quitte Québec, le 14 septembre 1666, en direction des peuplements iroquois localisés le long de la rivière Hudson et vise plus particulièrement les Agniers.

Siméon fait définitivement parti de l’expédition puisque « le capitaine Berthier est ensuite chargé de diriger, avec Pierre de Saurel, l’arrière-garde des troupes durant l’expédition de Prouville de Tracy contre les Agniers à l’automne de 1666 » (D2).


Cette expédition se déroule sans grande résistance puisque au fur et à mesure de son avancée, les Agniers « impressionnés par la puissance de ces troupes venues du nord » ont pris la fuite à travers les bois (D1 et L1).

Le 16 octobre 1666, le corps expéditionnaire arrive à une cinquième bourgade, la plus considérable de toutes. Devendorf (D1), mentionne qu’il s’agit d’Andaraque (Andavagué, selon S), située près de l’actuel Fort Hunter dans le comté d’Albany, New York. Tracy, selon la coutume, fait chanter un « Te Deum », prend possession du territoire et retourne à Québec (L1).

Le 5 novembre 1666, la troupe est de retour à Québec.

La compagnie du Sieur Berthier (et Siméon bien sûr) s’est donc rendue au cours de l’automne 1666 dans la région d’Albany dans l’État de New York.

La paix avec les Iroquois est conclue en 1667 et, peu après, les soldats s’en retournent en France alors que ceux qui ont décidé de rester en Nouvelle-France sont démobilisés.

Le bilan de la présence du régiment de Carignan-Salières se résume finalement à bien peu : deux expéditions punitives à toutes fins utiles ratées et la construction de quelques forts le long du Saint-Laurent, de la rivière des Iroquois et du lac Champlain.


Conclusion

Siméom a été baptisé à Créances en Basse-Normandie le 1er octobre 1637.

À l’âge de 27 ans, il s’embarque comme soldat pour une expédition militaire. Il s’est alors rendu en Guyane française, dans les Antilles française, à la Martinique, en Guadeloupe, à la Grenade et à Saint-Domingue.

Siméon arrive finalement à Québec le 30 juin 1665 où il fait partie pendant quelques mois de la garnison du Fort Saint-Louis.

En septembre 1666, Siméon participe à une expédition punitive contre les Iroquois. Il se rend alors dans la région de Fort Orange (Albany), dans ce qui  deviendra l’État de New York.

Siméon a pu alors se familiariser avec la route pour se rendre dans cette région, ainsi qu’avec les conditions qui prévalaient le long du parcours, la localisation des portages, et surtout, le temps requis pour effectuer ce voyage.

Siméon a ainsi pris connaissance de la localisation exacte des forts sis le long de la rivière des Iroquois et du lac Champlain.

Les connaissances acquises au cours de cette expédition seront d’une grande importance ultérieurement.


Annexe 1 – Abjuration du Sieur de Berthier

L’An de grace mil six cent soixante et cinq le huictiesme
d’octobre Isaac Berthier Capitaine au Regiment
de L’Allier, de la paroisse de Bergerac en Perigord Diocese
de Perigueux a fait abjuration solemnelle de l’heresie
de Calvin dans L’Eglise Paroissiale de Notre-Dame de
 Quebecq entre les mains de Messire François de Laval
Evesque de Petrée, vicaire Apostolique en la Nouvelle France
et nommé par le Roy premier evesque du dit Pays,
En presence de Monseigr de Tracy gnal des armées
du Roy en toute l’Amerique de Monsr de Courcelles
gouverneur pour le Roy en ce pays et de Monsr Talon
Intendent pour sa Majesté au dit Pays.
francois evesque de petrée
Source : Fonds Drouin - registre des abjurations



Annexe 2 – Le registre des confirmations de N-D de Québec le 1er mai 1666

Confirmés à           MessireDaniel de Remy Seignr deCourcelles gouverneur
La Paroisse de             de ce pays;
Ntre Dame de       Alexandre Berthier, de Bergerac, dioc. de Perigueux
 Quebec le 1r
de May 1666
Source: Fonds Drouin – registre des confirmations


Références

(C) Charbonneau, H. et J. Légaré, 1967. La population du Canda aux recensement de 1666 et 1667. Population-Revue Bimestrielle de l’Institut National d’Études Démographiques. Disponible sur Internet à : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1967_num_22_6_11236
(D1) Devendorf, John C. 1974. Battles of New York - Battles and raids in the province and state of New York, 1609-1814. Disponible sur Internet à :
 http://threerivershms.com/Battles.htm
(D2) Dictionnaire Biographique du Canada en ligne, 2008. Voir : http://www.biographi.ca/fr/index.html. 
(J) Journal des Jésuites, 1871. Publié d’après le manuscrit original conservé aux archives du Séminaire de Québec par MM les abbés Laverdière et Casgrain. Disponible sur le site Internet à : http://books.google.fr.
(L1) Lacoursière, Jacques, J. Provencher et D. Vaugeois. 1969. Canada-Québec-Synthèse historique. Éditions du Renouveau Pédagogique.
(L2) Langlois, Michel, 2004. Carignan-Salière 1665-1668. La maison des ancêtres Inc., Drummondville.
(P) Pothier, Bernard. Défense de la Nouvelle-France : La petite guerre (1660-1760) voir :
http://www.seminaire-sherbrooke.qc.ca/hist/hist4/Enrichi/defense.htm
(S) Sulte, Benjamin, 1922. Le régiment de Carignan. Mélanges historiques. Volume 8. Études éparses et inédites de Benjamin Sulte, compilées, annotées et publiées par Gérard Malchelosse. G. Ducharme, Montréal.



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